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Raoul Vaneigem |
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"La lutte en faveur d'une terre enfin débarrassée des sempiternels mandats célestes est inséparable du combat livré par chacun sur le terrain même où il lui appartient d'être sans réserve en vie: son propre corps.
Parce qu'elle est amenée à préférer à un monde qui se détruit en détruisant sa rentabilité une construction lucrative de l'environnement, la logique du profit ne se borne pas à éclairer en chaque être humain les mécanismes transformant l'énergie des désirs en force de travail et réuisant la vie à la survie par une vieille conjuration du sacrifice, de la peur, de la culpabilité, de la séparation, du refoulement, du défoulement, du paraître, et d'un refus marqué au sceau de l'impuissance et de la mort; elle ranime aussi du fond des âges et du fond du coeur une volonté de vivre soudain investie d'un projet de civilisation à l'endroit même où se précipite le déclin d'un empire inhumain, né, il y a bien longtemps, de l'économie agraire et des premiers Etats-cités." - Préface au Livre des plaisirs, mai 1993 ________ " Nous n'avons jamais cessé de confier le sort de nos libertés à ceux qui se flattaient le mieux de nous en dépouiller. Ainsi n'y-t-il pas d'infortune que nous n'ayons sollicitée sinon de façon délibérée, du moins par une résignation quotidienne où se trouvait bafouée et ridiculisée la volonté d'influer sur le cours du monde et sur la destinée. Pendant quelque dix mille ans, ce qui s'est dit, pensé, entrepris a postulé que, faussement éternel et toujours insupportable, l'état de choses est tout et que nous ne sommes rien. Cessez de chercher autre part qu'en vous-même cette propension à fonder sur l'inhumain une histoire que les hommes osent encore revendiquer comme la leur!" In Pour une internationale du genre humain. 1999
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" Nous sommes dans le monde et en nous-mêmes au croisement de deux civilisations. L'une achève de se ruiner en stérilisant l'univers sous son ombre glacée, l'autre découvre aux premières lueurs d'une vie qui renaît l'homme nouveau, sensible, vivant et créateur, frêle rameau d'une évolution où l'homme économique n'est plus désormais qu'une branche morte. Jamais le désespoir d'avoir à survivre au lieu de vivre n'a atteint dans le temps et dans l'espace existentiel et planétaire une tension aussi extrême. Jamais n'a été pressentie aussi universellement l'exigence de privilégier le vivant sur le totalitarisme de l'argent et de la bureaucratie financière. Jamais enfin tant de populations et d'êtres particuliers n'ont été la proie d'un désarroi où s'entremêlent la plus apeurée des servitudes volontaires et la tranquille résolution de briser sous le déferlement de la jouissance et de la vie les impératifs marchands qui emmuraillent l'horizon." In Introduction à Nous qui désirons sans fin.1996
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